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100 km du Défi Raoul II : mon Everest nordique

Dernière mise à jour : il y a 12 heures


Aller chercher ses limites, relever un challenge ambitieux sans être sûr de pouvoir le réussir, se mobiliser sur un objectif hors normes en se donnant tous les moyens de l’atteindre grâce à une préparation adaptée :  voilà quelques-uns des éléments de motivation qui m’ont animé pour tenter l’aventure, une grande première pour moi. Mon but était aussi de vérifier qu’il est possible de conserver une vraie gestuelle nordique malgré la distance, la fatigue et probablement la douleur.


AVERTISSEMENT


Voici un récit -TRES- détaillé du plus grand défi sportif de mon existence, les 100 km de marche nordique de Fougères. Je me suis laissé emporter par l’envie de le revivre par écrit, quitte à être -TRES- long.


Plusieurs motivations pour cela :

Purement égoïstes,

  • Me donner le plaisir de ressentir à nouveau les moments forts de ma longue marche, les bons et les plus difficiles, confortablement installé devant mon ordinateur pour le faire sans effort.

  • M’offrir la joie de me les remémorer plus tard en immortalisant mes souvenirs encore bien "en tête et en chair".


Plus altruistes,

  • Partager, auprès de celles et ceux qui ont vécu la même expérience, quelques images mentales et moments forts qui leur parleront probablement et feront peut-être remonter leurs propres émotions.

  • Donner l’envie à certains, éventuellement, de tenter l’aventure un jour ou l’autre.

  • Offrir le moyen de la vivre par procuration pour les autres.


Un parti pris pratique :

  • Etayer mes souvenirs, encore parfaitement ancrés, grâce au tracé du parcours et aux données de ma montre connectée.

  • Lister dans cet article uniquement les têtes de chapitre des moments intenses, tout en donnant la possibilité de lire l’intégralité du récit complet en téléchargeant le pdf joint, éventuellement pour une lecture plus aisée sur papier en l’imprimant.


UNE ORGANISATION EXCEPTIONNELLE


Totalement dédié à la marche nordique longue distance (semi, marathon et 100km) cet évènement breton à Fougères est un exemple d’organisation. Tout est pensé dans les moindres détails :

Un parcours remarquablement conçu avec, pour le 100 km, un départ original qui nous fait découvrir le château, les plus grandes "longueurs" de nuit sur une voie verte et quelques portions de route inévitables pour un tel parcours en campagne, 6 postes de ravitaillement bien répartis tous les 15 km environ et un final magnifique en forêt pour les 25 derniers kilomètres, dont la variété atténue un peu la difficulté physique et mentale incontournables à ce stade.

Et tout cela dans le magnifique écrin de la ville de Fougères et la campagne bretonne avoisinante avec des conditions climatiques idéales.



Sans oublier des bénévoles sympathiques et dévoués aux petits soins pour nous, y compris en pleine nuit, une ambiance chaleureuse sur "le village" animé par un speak dynamique, tout ce qu’il faut pour le réconfort (ravito, stand soins et repos, galette saucisse, crêpes et cidre, typiquement breton, incontournable bière locale), une expo de "deudeuches kitées" pour le décor, organisée par le Lyons club, partenaire de l'événement et, surtout, plein de belles rencontres.




Lire l'article sur Pratique-Marche-Nordique




Les premiers seront les derniers 


Aucun esprit de compétition pour le défi Raoul II, pas de classement, seuls comptent la convivialité et le défi personnel d’aller au bout.  Superbe idée, les départs sont échelonnés par groupes d’allure cible, (4,5 /  5,0, / 5,5 et 6 km/h) espacés d’une heure entre 15h30 et 18h30.


Cela permet de limiter les écarts à l’arrivée, les plus rapides remontant progressivement sur les autres.


TOP DEPARTS :



RECIT D’UN VECU INTENSE

 

Texte intégral sur le PDF à télécharger :




Morceaux choisis :


Un départ touristique original

Notre meneur d’allure pour le départ nous fait effectuer un tour en ville et traverser le magnifique château de Fougères que je découvre pour l’occasion. Les escaliers qui nous font monter dans l’une des tours et longer les remparts sont parfaits pour un échauffement.

« Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais »

A l’entrée de la voie verte, où j’enlève mes pads vers le 4ème km, ma moyenne est montée à 6,5 km/h, je marche à 7 sur les 4ème et 5ème kilomètres. « Holà garçon, tu t’étais promis pendant ta préparation mentale de rester dans ta bulle pour marcher à ton rythme sans te préoccuper de celui des autres. Là tu as tout faux !!! »  

Focus sur la technique

Je tiens en revanche ma promesse de soigner ma gestuelle. Je marche un moment avec un compagnon qui a la même préoccupation apparemment. Je lui fais part de mon constat sur sa belle marche.  Il me confirme que c’est aussi son objectif et qu’il a participé à pas mal de stages. Avec qui ?  Roland Zede et Chantal Torresan ! Nous sommes allés à la même école, décidément la marche OTOP ça se voit ! Il a aussi bénéficié d’un stage avec Nathalie Gilbert, dans le même esprit.

Attention à l’orientation

Un petit avertissement sans frais qui nous coûte juste quelques centaines de mètres de plus mais qui m’évitera d’autres erreurs plus tard avec le soleil rasant… du matin.

Premier ravito au 15ème kilomètre au parc floral du Chatelier

J’arrive avec une demi-heure d’avance sur mon plan de marche, normal avec un demi km/h trop vite. Ce n’est pas forcément une bonne nouvelle mais je suis en pleine forme, je suis dans ma zone « d’endurance douce » côté rythme cardiaque, aucun souci côté musculaire.

Premières sensations nocturnes

La nuit est claire, j’adore cette ambiance entre chien et loup. Je retarde au maximum le moment de sortir ma frontale. Je pourrais marcher au clair de lune mais, vers 23h00, certains passages vraiment sombres sous les arbres m’incitent à allumer la lumière.

Arrivée mouvementée au 2ème ravito du 32ème km à Parigné

Au bout d’un petit moment, un doute m’envahit : je ne vois plus de marquage, puis j’arrive à un panneau de sortie de ville. Il y a un là un croisement, toujours sans aucune indication. Il y a vraiment un problème ! Je sors mon smartphone avec le tracé du parcours (il me reste 20% d’autonomie), pour constater que j’ai manqué une bifurcation sur la droite.  Demi-tour !

Des hauts et des bas

Mes quadriceps commencent se faire sentir, mais ça va. Je m’étais promis d’accueillir positivement toutes les sensations, les bonnes comme les moins bonnes, alors je fais avec. Je ressens une petite contracture côté abdo droit. Je me concentre sur ma respiration, en mode marche afghane et ça passe. Je ressens aussi de petites contractions dans les épaules. Je me détends au maximum pour relâcher les muscles, j’alterne quelques passages pendant lesquels je pousse moins fort sur les bâtons, me contentant de balancer les bras en souplesse vers l’avant pour poser les bâtons et d’accompagner le mouvement vers l’arrière en relâchant la pression… et ça passe aussi

Pilotage automatique

J’ai l’impression que mon cerveau s’est déconnecté pour éviter les désagréments de la fatigue qui s’est installée. Ce sont mes bras qui commandent en battant la cadence, les jambes suivent, pas de souci, ils s’occupent de tout !  Je scanne quand même mes sensations et tâche de visualiser ma gestuelle. Je constate que ma posture commence à s’affaisser, que ma tête tombe vers le bas. « Hop hop garçon, on se reprend : on est beau, on est grand, on est fort ! » (une recommandation de l’un des « tutos audio » de mon blog)

Petit matin et grande fatigue

Les premières lueurs du jour s’annoncent, le ciel commence bientôt à rougeoyer, magnifique sur la campagne bretonne, puis le soleil vient me réconforter. C’est un petit regain d’énergie, qui commence à me faire sérieusement défaut.
Arrivée à Laignelet vers le 72 km, où nous retrouvons nos sacs de transfert. Toujours impossible de manger. Dommage, le ravito est pourtant appétissant. Je me contente de boire :  de l’eau gazeuse, un coca et un jus d’orange que je dois couper avec de l’eau, ça me fait quand même quelques calories absorbées mais ça m’inquiète maintenant sérieusement.

C’est fait… ou pas ?

Val est là au dernier ravito. Elle est venue à ma rencontre en m’accueillant avec une pancarte « Aller NordicPat » et un pompon de pompom girl. « Aller courage, c’est à 500 m », elle m’accompagne sur ces derniers hectomètres.  Arrivé, je m’écroule sur une chaise que je ne quitterai pas tout au long de ma longue pause. C’est elle qui répond à tous mes besoins en allant me chercher à boire et en gérant mon camelbag. Je peux enfin manger un bout, un morceau de pain jambon/fromage, que je n’arrive pas à terminer mais c’est déjà ça.
Je dois vraiment me faire violence pour me décider à me lever, mes quadri sont en bois, l’effort leur parait insurmontable.  « Aller, debout guerrier il faut y aller », c’est dur mais je me convaincs que c’est gagné : 15 bornes à parcourir, c’est à peine plus que les sorties cool avec mes potes et bien moins que les nombreuses sorties solitaires pendant lesquelles j’ai pris tant de plaisir.

Au bout du bout

Dans une grosse descente sur un sentier forestier, le pilote automatique disjoncte. Mes jambes n’arrivent plus à gérer, elles ne sont plus capables de me retenir. Voilà que je me mets à courir pour « laisser aller », moi à qui ça n’arrive évidemment jamais en marche nordique. C’est complétement involontaire, je prends de la vitesse tout en me disant que ça va mal se terminer. Je n’ai pas tort, je m’étale de tout mon long sur le bas-côté, sans gravité bien que je me sois écorché le front sur une branche au sol. J’ai un mal fou à me relever.
Enfin, j’entends le speaker, YESS !!! Je jette ce qu’il ne me reste plus d’énergie dans la bataille pour arriver jusqu’à l’arche.  Un quart de tour à gauche et j’y suis, mais je titube pour la trouver. Le speaker me rattrape, m’évitant de m’écrouler à nouveau juste avant.

Val vole à mon secours pour me soutenir et m’aider à la passer. « Non, la photo ! », je tâche de rester débout pour la pose, avant les derniers pas pour recevoir la médaille qu’elle me passe autour du cou (elle a négocié ça) et me jeter dans ses bras, tant pour l’étreindre que pour rester debout.


Comment aurais-je fait sans elle ? Je ne serais certainement pas allé au bout. Alors quel grand moment cette étreinte, elle restera à jamais gravée dans ma chair et mon esprit.



C’est quoi le mieux ?


Si j’avais pu m’alimenter normalement, il est fort probable que j’aurais pu terminer dans un état de décrépitude moins avancé et certainement mieux apprécier la dernière partie du parcours. Avec des si !.. 

Pour voir le bon côté des choses, je ne regrette rien et je suis finalement heureux d’avoir eu l’occasion d’aller chercher au plus profond de mes ressources, physiques et mentales. Bon, je ne ferais pas ça tous les jours quand même.


Un petit moment repos, de quoi refaire le plein, une bonne douche, et c'est reparti.


Quel bonheur ce grand moment de réconfort pour terminer la journée devant quelques breuvages locaux et de bonnes galettes dégustées devant le château.


LA VIE EST BELLE !







QUELQUES CHIFFRES


J'adore être centré sur mes sensations en marchant.

Je trouve aussi très utile de les confronter à l'analyse des données objectives fournies par l'application de ma montre connectée. Je le fais systématiquement à l'issue de chacune de mes sorties. Evidement ce défi n'échappe pas à la règle.


  • 100,6 km à ma montre et un dénivelé positif d’environ 1 000 m. Elle sous-estime toujours très légèrement mes parcours. C’est cohérent : Amand Erabit, l’organisateur,  me confiera qu’il s’agit du 100 km le plus long de France puisqu’il mesure en fait 101 km. Avec les petites rallonges que je me suis offertes le soir et avant le 2ème ravito, j’ai donc marché en réalité environ 102 kilomètres. Les voilà les 2 kilomètres de trop !!!


  • 16h47 de marche en activité, soit un poil plus vite que les 6 km/h que j’avais envisagés. e

  • 18h36 au total alors que j’avais programmé 18h00. Une bonne demi heure de plus, ça n'a pas d'importance mais le final m’a été fatal pour tenir cet objectif là. La marcheuse solidaire des derniers kilomètres (Véronique à ce que j’ai vu sur le le tableau des positions) termine en 18h21, me mettant donc 15 minutes dans la vue sur les 3-4 derniers kilomètres. Je ne pensais pas avoir dû m’arrêter aussi longtemps (ma "moyenne en activité" est quand même de 5,7 km/h sur les 600 derniers mètres).


  • Près de 10 200 calories dépensées… bien moins consommées.


  • En termes de position, je termine 24ème sur 196 participants et 163 finishers (un taux d’abandon conforme à l‘habitude selon Amand). Le classement n’est clairement pas un objectif, ce n’est pas une compétition, tous les finishers ont leur médaille. Mais c’est une très belle surprise, gratifiante par rapport à la rigueur de ma préparation, je ne pensais pas être à ce niveau.


Courbes des données


Une allure somme toute relativement régulière

Par tranches de 10 km :




CONCLUSION


On peut poursuivre plein d’objectifs en marche nordique. Le premier -et le plus important pour moi- est d’acquérir et maintenir une belle gestuelle, efficace, généreuse, qui contribue autant au développement de ses capacités physiques qu’au bien être généré par les superbes sensations qu’elle procure, avec un geste ample, souple et puissant à la fois.

On peut aussi relever un défi en participant à une première compétition, éventuellement à d’autres en cherchant à améliorer ses performances -ou pas-, ou encore augmenter la distance en s’alignant sur un semi, un marathon voire un 100 km.

Quel bonheur pour moi d’avoir relevé celui-là.

La cerise sur le gâteau, ce sont tous les bons moments passés avec mes potes lors des sorties, le plaisir de partager et transmettre mes expériences, les échanges sur les réseaux et toutes les belles rencontres sur le terrain.

Enfin, pour moi lors de ce défi, les moments intenses vécus avec et grâce à Val, dans ces moments exceptionnels.





3 Comments


carmelocuglietta
carmelocuglietta
il y a 2 jours

Wow, Wow, Wow,

BRAVO Patrice, tu nous fait vivre ton Everest et on atteint le sommet avec Toi.

Tu es beau, grand et fort !

Tu es une BELLE PERSONNE 👍😀👍.

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Solenn Rousseau
Solenn Rousseau
il y a 2 jours

Sous les posts de camarades nordiques, au terme d'une compétition, je commente tout le temps "bravo ! une ou untel". Rien de mécanique, toujours une admiration ou un encouragement. Mais alors pour toi, à la lecture de ton récit, j'en ai la chair de poule. Tu m'as singulièrement émue. Tu es allé chercher quelque chose ancré en toi, c'est très fort, et tu saisis, exprimes tout cela avec beaucoup de précision. Je te félicite, tu es un grand marcheur nordique. Tu m'as donné envie de m'y frotter aussi ;). Va savoir, si j'ai ton courage, ta valeur et ta puissance mentale, d'aller jusqu'au bout !

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nordicpat
nordicpat
il y a 2 jours
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Un grand merci à toi Solenn, ça me touche, vraiment ! Connaissant ta gnaque, je suis persuadé que tu peux le faire. Rien à voir avec la compétition mais je trouve que c'est finalement bien plus grand. Il faut juste la préparation qui va bien... et savoir maîtriser la winneuse qui est en toi.

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